Martine GASNIER

Jamais œuvre picturale ne me parut aussi réjouissante. C’est que TARDIVO les a longuement côtoyées ces femmes devenues aujourd’hui des  » nanas  » après avoir été  » Vénus  » des origines puis  » bonnes femmes « . De toile, de carton ou bien encore  » mises en boîte « , elles s’offrent à nous désormais sans complexes, libérées du souci de l’apparence si cher à notre temps. Vous ne les verrez pas défiler sur un podium, sylphides à la démarche composée, au sourire à peine esquissé, drapées dans leur inaccessibilité. Non, les femmes de l’artiste arborent des tenues où s’orchestrent, en un savant mélange, carreaux, pois et rayures, dentelles et collants laineux, le tout couronné par des seins qui ignorent la silicone, des seins inattendus qui émergent des vêtements même, des seins comme des étendards en quelque sorte. Et puis il y a les compagnons de ces nanas ; oiseaux au regard humain qui charment et bécotent, poissons rouges parfois bipèdes et chiens, pas de ceux que l’on acquiert avec label, non, mais des chiens noirs de poil et courts sur pattes, des bâtards qui ressemblent à leurs maîtresses. Et lorsque les enfants paraissent, ils se font poupées de chiffon, tout doux, un vrai bonheur. TARDIVO nous invite simplement à une vie pleine d’inattendus, loin des codes et des faux semblants.

Martine GASNIER
Septembre 2004

 

Les femmes de TARDIVO

Tardivo aime les femmes, depuis longtemps, des millénaires peut-être, quand il a croisé Vénus au détour d’un musée et l’a prise pour modèle. N’allez pas croire qu’il s’agissait du sex symbole grécoromain, celle qu’il peignit n’était autre qu’une de ces idoles primitives exhibant seins, hanches et ventre comme les attributs d’une fécondité incontournable qui deviendrait sa seule raison d’être. Ces femmes là étaient sans histoires, sans âmes même, et les hommes pensaient sans doute qu’elles le resteraient. Le peintre, lui, s’aperçut bien vite qu’elles avaient d’autres prétentions et se mit à les décliner: libertines, rivales ou esseulées, voilà qu’elles prenaient le chemin de la féminité pour entraîner l’artiste jusqu’à Lemnos où il les aida, qui sait, à tuer leurs maris infidèles. Après quoi, il se reposa en construisant des demeures pour y enfermer celles qui deviendraient pour toujours des muses. Elles étaient alors suspendues dans une sorte d’éternité, tranquilles certes, mais inaccessibles. Tardivo un jour, en eut assez et regarda autour de lui les femmes qui allaient et venaient simples et quotidiennes, celles de sa famille sans doute, grand-mère, cousine, tante, des «bonnes femmes» en somme habillées comme vous et moi, enfin si vous n’êtes pas de celles que l’on dit chochottes, et si vous avez vécu à la campagne des soirées de bavardages entre voisines, l’été quand il fait beau et que les enfants s’endorment tard. Ce temps perdu, ces images gardées dans un coin du cœur pour affronter la vie, ces femmes surtout, gardiennes de l’enfance, allaient, en une ultime étape donner le jour à ces « nanas» que l’artiste côtoie avec bonheur. De toile, de carton ou bien encore « mises en boîte », elles s’offrent à nous désormais sans complexes, libérées du souci de l’apparence si cher à notre temps. Vous ne les verrez pas défiler sur un podium, sylphides à la démarche composée, au sourire à peine esquissé, drapées dans leur inaccessibilité. Non, les femmes de l’artiste arborent des tenues où s’orchestrent, en un savant mélange, carreaux, pois et rayures, dentelles et collants laineux, le tout couronné par des seins qui ignorent la silicone, des seins inattendus qui émergent des vêtements mêmes, des seins comme des étendards en quelque sorte. Et puis il y a les compagnons de ces nanas; oiseaux au regard humain qui charment et bécotent, poissons rouges parfois bipèdes et chiens, pas de ceux que l’on acquiert avec label non, mais des chiens noirs de poil et courts sur pattes, des bâtards qui ressemblent à leurs maîtresses. Et lorsque les enfants paraissent, ils se font poupées de chiffon, tout doux, un vrai bonheur que le temps n’abîmera pas. L’univers féminin que nous propose Tardivo se situe bien loin des codes et des faux semblants. Il nous parle seulement de tendresse, de celle que l’on voudrait surprendre plus souvent dans le regard de passantes anonymes, de celle que nous offre les animaux installés à la maison pour nous tenir compagnie, en un muet dialogue, mais l’univers du peintre nous parle plus encore de lui. Ces femmes tellement réjouissantes, ces scènes si drôles et touchantes à la fois sont l’œuvre d’un homme généreux dont le sourire en dit long. Ne comptez pas sur lui pour les élucubrations esthétisantes, il n’a rien d’un songe-creux. Tardivo ne parle que de peinture, de la vraie de celle qui nous embarque pour ailleurs. Écoutez-le et, si vous êtes femme, glissez-vous parmi ses « nanas » vous vous en porterez mieux!

Martine GASNIER
2005